DERRIERE LE DESERT

Nous sommes arrivés début septembre en Ouzbékistan. Un nom de pays qui faisait émaner, rien qu’en le prononçant, des effluves de contes des Milles et unes nuits. Pour nous, il représentait aussi l’essence de notre projet, les trajets en chameaux chargés de soie et d’épices ainsi que les échanges de savoirs et de cultures qui furent à l’origine du choix pour le nom de notre projet : “La Route de la Pierre”. Alors que nous n’avions que peu d’idées du pays et surtout de sa présence en pierre et en taille de pierre, nous y sommes arrivés, comme des enfants, le cœur ouvert et des images d’histoires plein les esprits.

JOURNAL DE BORD

Orianne Pieragnolo

10/20/20245 min read

Mais à travers la ville, la pierre fait aussi l’apanage des bâtiments soviétique et contemporain. Tout comme les monuments historiques, elle vient se plaquer sur les structures, ne lui donnant plus qu’un rôle d’ornement. Bien que l’on puisse croire que la pierre est peu utilisée en Ouzbékistan, si l’on regarde de plus près, elle est en fait bien présente. Toutefois, l’utilisation du matériau ne relève pas, à proprement parlé, de la taille de pierre, à savoir le travail d’un bloc massif. La très grande majorité de son utilisation se trouve être sous forme de plaque, qui s’approche bien plus du travail de marbrerie.

Louis et son vélo aux portes du désert de Sundukli

Ouvrir grand les yeux

L’Ouzbékistan s’étale sur un territoire peu accueillant, à première vue. Il est l’un des pays les plus enclavés du monde avec deux déserts qui le coupe en trois parties habitables. Pour réaliser notre travail de terrain, nous avons décidé d’arriver dans la région de Boukhara qui permettait de joindre Samarcande jusqu'à Tachkent en vélo et à travers des zones urbaines riches en architectures et potentiellement en pierre. Car là était la difficulté dans ce pays, nous n’avions aucune idées de l’existence du métier et même du type de pierres présentes. Et pourtant nous nous étions renseignés auprès de professionnels en France, mais cela n’avait pas suffi à avoir quelques informations.

C’est donc ici que tous nos codes ont été mis à rudes épreuves. Nous y avons découvert le désert, les bâtiments de terre crue et des formes d’architectures que nous n’avions encore jamais vues.

Nous étions transportés entre les images rêvées “des contes” et celles d’un pays marqué par l’influence de l’URSS. C’est ce que reflétaient les bâtiments datant du XIXe siècle encore préservés dans le centre de Boukhara entourés, dans sa périphérie, de buildings immenses et des routes de bitumes coupant de larges bandes dans les rues.

C’est donc après avoir commencé à s’adapter à ce nouvel environnement que très vite nous remirent nos lunettes de tailleurs de pierre pour trouver dans cette ville des traces d’éléments en pierre taillés. Car cet exercice que nous connaissons bien, nous le pratiquons presque au quotidien, mais dans des espaces dans lesquels les bâtiments sont régis par des codes occidentaux. Lorsque nous avons débarqué sur le sol ouzbek, il fallut comprendre et adapter notre regard. Là où la tête pouvait se lever à la recherche de corniches en pierres ou de voûtes, nous dûment apprendre à regarder plus bas, sur les soubassements et les bases. Car c’est au plus près du sol que la pierre s’utilise ici. Elle supporte les structures de terre et de briques crues, les colonnes en bois et les tapisseries de mosaïques d’entrelacs bleu. Mais malgré leur emplacement, sur les monuments religieux, elle s’élève jusqu’à hauteur du regard où s’orne sur elle de longues calligraphies retranscrivant les écritures sacrées islamiques. Dessous, se trouve souvent des frises répétant à l’infini un même motif, inspiré des formes des muqarnas, comme un entêtant appel à la prière. La géométrie devient sur ces façades des jeux où les formes simples s’entremêlent pour créer des compositions complexes qui perdent l’observateur dans une danse kaléidoscopique.

De gauche à droite : Trône du palais de la citadelle Ark, Boukhara / Voûtes peintes de la Madrassa Ulugh Beg, Samarcande.

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Jeu de contrastes

De gauche à droite : Colonne de la salle du trône du palais de la citadelle d'Ark, Boukhara / Pose des plaques de marbres pour la construction du Centre de la civilisation islamique, Tachkent / Détail de frise en marbres de la mosquée Bibi-Kanyum, Samarcande / Détail d'un immeuble du XXᵉ siècle plaqué en travertin Kirghize, Tachkent.


Pour comprendre le métier, qui nous échappait cependant dans sa compréhension et son organisation actuelle, nous sommes donc partis, à la recherche des acteurs de la pierre locaux, des marbriers funéraires aux carriers, jusqu’aux tailleurs de pierre. Nous avons quitté Boukhara, remplis de questions et prêt à voir de nouveaux paysages et architectures. Nous avions décidé de rejoindre, à 300 km à l’est, l’onirique Samarcande.

C’est ainsi qu’à travers les routes ouzbeks, nous avons côtoyé le désert. Une première expérience à laquelle nous n’étions absolument pas préparés. Nous avons découvert l'horizon et son infini, la végétation courte et sèche se déployant de façon presque identique sur le sol. Un moyen de mieux comprendre que le climat guide la nature, elle s’adapte tout comme s’adaptent les manières de bâtir. La terre orangée est sous nos pieds comme au-dessus de nos têtes, dans les maisons. Nous avons ressenti les couleurs du désert et la sensation de cette tiédeur enrobante. La nuit tombe tôt en Ouzbékistan. Mais avant de prendre toutes les couleurs, elle en étale sur le ciel, comme pour le peindre des restes de la chaleur du soleil. C'est là que tout devient voluptueux. Le rose prend le parti de recouvrir cette terre uniforme qui lui rend ainsi l'hospitalité.

Début de quête

Paysages du désert de Sundukli / Briques crues en cours de séchage.

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